Grégory Léonard

Chef d’établissement coordonnateur – Groupe Sacré-Coeur La Salle

Fondé il y a 150 ans, le groupe Sacré-Cœur La Salle est composé de 3 entités pédagogiques qui accueillent chaque année près de 1800 élèves, de l’école primaire au BAC+5.

 

Le groupe accompagne les jeunes dès les premières règles du vivre ensemble dans la classe jusqu’au monde du travail avec un enseignement de qualité, tout en découvrant les multiples facettes de la vie sociale et spirituelle à travers des activités pédagogiques et périscolaires diversifiées.

Grégory Léonard en est le Chef d’établissement coordonnateur depuis la rentrée 2021 après un parcours professionnel au sein d’établissements catholiques en tant que professeur d’Histoire-Géographie et cadre pédagogique pendant une vingtaine d’années, puis directeur.

 

Grégory a rejoint le parcours « Diriger et faire face à la complexité et à l’incertitude » de l’IVHM en 2023.

 

En tant que directeur d’établissement scolaire, qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre un parcours de formation traditionnellement destiné à des dirigeants d’entreprises  ?

 

La formation d’un chef d’établissement de l’enseignement catholique (titre RNCP de niveau 7) couvre divers champs de compétences : manager dans un cadre éthique, piloter les activités pédagogiques et éducatives, gérer les ressources humaines, représenter l’organisation et contribuer au développement de son réseau, gérer les fonctions administrative, économique, financière, matérielle et immobilière.

 

Notre action oscille en permanence entre ces différentes responsabilités et prérogatives. Nous oeuvrons au service d’un projet d’établissement et de la pérennité d’une œuvre éducative, confrontée elle aussi, comme toute organisation à la complexité et à l’incertitude.

 

A titre personnel, choisir un parcours dirigeant investissant la question du management par les humanités fut un chemin naturel, porteur de sens, au regard de ma formation initiale en sciences humaines et sociales.

 

A travers les autres participants, comment avez-vous perçu le lien entre les enjeux éducatifs et les problématiques rencontrées par les entreprises ?

 

Piloter un établissement scolaire, c’est d’abord être attentif à rester en congruence avec les orientations du projet éducatif, que ce soit avec les jeunes et leur famille, ou avec l’ensemble des personnels de l’école.

 

Diriger un établissement du réseau La Salle, porté par un projet fraternel et inclusif, c’est privilégier un modèle de robustesse plutôt que de performance, où chaque jeune représente une promesse d’avenir. Tandis que l’entreprise éducative s’inscrit dans un temps long, créer et cultiver un climat de confiance et de solidarité, en considérant l’erreur comme un véritable tremplin d’apprentissage, favorise l’épanouissement des talents.

 

Nous sommes tous rattrapés par l’impossibilité de tout maîtriser. Les dirigeants rencontrés lors de ce parcours interrogeaient également leur modèle de développement à l’aune des défis actuels. L’expérience que nous faisons du monde est appuyée sur la raison et les sciences. Pourtant, nous vivons la même difficulté à penser l’incertitude et la complexité.

 

Les autres participants, venus d’horizons très divers, partageaient cette tension pédagogique, tout en étant confrontés à la nécessité d’incarner une forme d’exemplarité.

 

Quels points communs avez-vous identifiés entre le management d’une école et celui d’une entreprise ?

 

A l’école comme en entreprise, les conditions du pilotage reposent sur l’équilibre entre tenir un cadre et être attentif à la zone de vibration qui émerge à ses frontières.

 

L’humain est d’abord une expérience de liberté. L’humain fabrique son monde et les normes bougent en permanence à la rencontre de cette liberté. L’enseignement libre associe des enseignants, dont l’employeur est le rectorat, et des personnels de droit privé assumant les missions administratives, d’entretien, de restauration, de vie scolaire… La coexistence de deux statuts épaissit la zone de vibration.

 

Nous avons aussi beaucoup parlé de processus décisionnel. La décision n’est-elle pas davantage un processus relationnel que rationnel ? L’enjeu de la décision n’est pas forcément qu’elle soit la bonne réponse théorique. Il lui faut être avant tout acceptable, applicable et appliquée. A l’école comme en entreprise, la principale raison d’être de l’élaboration de la décision est finalement la construction du groupe.

 

Quelle est la plus grande leçon que vous retirez de cette formation, et comment cela impacte-t-il votre manière de manager aujourd’hui ?

 

J’ai été profondément marqué par une précision étymologique.

 

Quand on réduit au silence les collaborateurs, on les traite comme des enfants. En latin, l’enfant est « celui qui ne parle pas [encore] ». En donnant la parole aux équipes, on les considère comme des adultes. L’horizon est donc de cultiver la parole pour parvenir à une véritable communication. On ne peut pas attendre des gens qu’ils soient responsables si on ne leur laisse pas la possibilité de s’exprimer.

 

Je donnais déjà régulièrement la parole aux personnels de l’établissement mais je veille désormais à systématiser et amplifier cette approche managériale et cette attention également fertile pour bien faire grandir les jeunes qui nous sont confiés.

 

Qu’avez-vous le plus apprécié lors de cette formation ? Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?

 

Je parlerais davantage d’un parcours, dont les séances sont suffisamment espacées pour laisser infuser les réflexions nées de ces fructueux échanges.

J’ai particulièrement apprécié la grande richesse des apports théoriques et pratiques des intervenants et la démarche de co-construction avec les participants permet de rencontrer les attentes de chacun.

 

J’ai été longtemps enseignant avant d’assumer des responsabilités intermédiaires, puis une direction. Ma pratique du management restait très empirique. Ma surprise a été la validation d’un certain nombre d’intuitions dans mes manières d’être manager. Je rejoins par exemple l’idée selon laquelle un manager doit être prêt à incarner sincèrement trois rôles : « l’interprète » s’évertuant à transmettre le sens de l’action, le « bricoleur » ne s’interdisant aucune idée tant il est concerné par la finalité, le « régulateur d’émotions », principale difficulté du management, le monde de l’école n’y échappant pas davantage que celui de l’entreprise.

 

Recommanderiez-vous ce type de formation à d’autres directeurs d’établissements scolaires ? Pourquoi ?

 

Je la recommande sans hésitation. Comme tout dirigeant, un chef d’établissement scolaire est en quête de postures. Ce parcours encourage à ne pas considérer le dialogue et la qualité relationnelle comme des signes de faiblesse.

 

Privilégier le dialogue, c’est traverser la logique des autres en sachant suspendre le jugement. La solution à une situation donnée n’existe pas en soi. Elle émerge progressivement en équipe, mais aussi avec les parents et les jeunes, par l’écoute et l’échange.

 

Au-delà du chef d’établissement scolaire, c’est l’éducateur, que nous ne devons jamais cesser d’être, qui grandit de ce parcours.