Patricia Panzani

Directrice adjointe de l’Alliance Presse de l’Information Générale

Depuis plus de 25 ans, Patricia Panzani évolue dans le secteur de la presse et des médias. Elle a débuté à l’ACPM, l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias, l’organisme de certification des médias.

 

Elle a démarré par de l’audit puis a participé à la modernisation de l’organisation, en mettant en place des outils d’automatisation et des systèmes d’information pour fiabiliser les process et améliorer la communication avec les adhérents.

Cette première expérience lui a permis d’acquérir un double regard : celui de la rigueur et de la fiabilité, mais aussi celui de la transformation.


En 2020, elle rejoint l’Alliance de la Presse de l’information générale, la 1ère organisation représentative de la presse d’information politique et générale en France, qui regroupe 295 publications quotidiennes et hebdomadaires sur tout le territoire.


D’abord responsable du département économique, elle est nommée deux ans plus tard directrice adjointe en conservant les deux périmètres. Avec le directeur général, elle y pilote une équipe de 13 collaborateurs et fédère un collectif de 150 éditeurs dans un secteur traversé par de fortes incertitudes économiques et sociétales.


Son parcours est marqué par deux événements marquants : les attentats de Charlie Hebdo, qui l’ont conduite à réfléchir au rôle de l’éducation aux médias et au numérique et à l’importance de développer un esprit critique, et la crise du COVID, qui a ravivé ses interrogations sur l’agilité, la résilience et la capacité des organisations à se transformer face à l’imprévisible.


En 2024, Patricia rejoint le parcours “Diriger et Faire face à la Complexité et à l’Incertitude” (FACI) de l’Institut Vaugirard Humanités et Management pour approfondir ces questionnements.

Vous avez un parcours construit dans un univers en perpétuelle mutation : la presse. Qu’est-ce qui vous a attirée vers ce secteur et ces organisations professionnelles ? 

 

L’information et les médias m’ont toujours passionnée de par leur rôle sociétal majeur, leur impact, particulièrement la presse. Ce secteur est en évolution permanente. Depuis la révolution numérique, l’émergence des réseaux sociaux et à présent l’intelligence artificielle,  les usages des consommateurs d’information changent et obligent les éditeurs à sans cesse se réinterroger sur le modèle économique, trouver de nouvelles manières de faire et innover. 

Notre rôle à l’Alliance de la Presse est d’accompagner les transformations et d’être en veille constamment. C’est exigeant, mais c’est aussi ce qui rend ce métier vivant et passionnant.

Travailler dans les organisations professionnelles de la presse m’a toujours animée. Notre rôle est de faire le lien entre des acteurs différents, avec des enjeux parfois divergents, de trouver du sens, du consensus et d’animer le collectif. 

C’est aussi se situer dans un entre-deux : d’un côté il y a les équipes internes, des experts au service des éditeurs, qui ne sont pas de simples clients mais des adhérents engagés. Notre rôle consiste à les écouter, à traduire leurs besoins, à les accompagner au mieux dans leur quotidien et à inventer des espaces communs.

Ce que j’aime particulièrement, c’est être dans une dynamique où l’on ne peut pas s’installer dans une routine. Ce que l’on met en place aujourd’hui est déjà obsolète demain. Il faut accepter de se remettre en question en permanence, et ça, c’est quelque chose qui me correspond profondément.

 

Vous évoquez deux événements qui vous ont marquée : les attentats de Charlie Hebdo et le confinement. En quoi ont-ils transformé votre regard et vos engagements ?

 

Les attentats de Charlie Hebdo ont été un moment de bascule. Mes filles étaient adolescentes et j’étais alors engagée dans une fédération de parents d’élèves, en parallèle de mon activité professionnelle. J’ai perçu à ce moment-là l’importance cruciale d’une part de l’information, et d’autre part de l’éducation à l’information.

L’éducation aux médias et au numérique ne pouvait pas reposer uniquement sur l’école et les enseignants. Bien sûr, ils ont un rôle majeur à jouer, mais les parents et les professionnels aussi. Mettre un téléphone dans les mains d’un enfant nécessite l’apprentissage de certains codes, au même titre qu’apprendre à nos enfants les codes pour aller seul à l’école en toute sécurité. 

Cet événement m’a ouvert les yeux sur le rôle que nous avons, en tant qu’adultes, pour accompagner les jeunes dans un monde où l’information est omniprésente, où elle va vite et où la désinformation et la manipulation sont de plus en plus présentes. L’esprit critique est plus que jamais nécessaire.

Avec notre collectif, nous avons souhaité sensibiliser les parents sur ces enjeux à travers des ateliers et des interventions de professionnels, ça été très riche et très formateur. Pour moi, s’interroger sur nos organisations, qu’elles soient professionnelles ou associatives, sur leur raison d’être, est essentiel pour les faire évoluer, répondre aux  besoins nouveaux de la société, et repenser le rôle qu’on a envie d’y jouer.

Le COVID et le confinement, quelques années plus tard, ont été une autre épreuve. Ce n’était pas seulement une crise sanitaire, mais une crise organisationnelle : comment repenser nos organisations, travailler quand rien n’est prévu pour ce genre de situation ? Comment garder le lien avec les équipes, maintenir la cohésion d’un collectif ? Ca a été aussi une crise informationnelle : quel rôle a joué la désinformation, quel rôle ont les médias dans un tel événement ? 

J’ai compris que nous devions apprendre à penser l’imprévisible, à intégrer l’incertitude dans notre façon de vivre, de diriger. C’est précisément ce questionnement qui m’a conduite à rejoindre le parcours de l’Institut Vaugirard Humanités et Management.

 

Pourquoi avoir choisi l’Institut Vaugirard Humanités et Management plutôt qu’une formation managériale plus classique ?

 

L’ACPM comme l’Alliance de la Presse sont des organisations professionnelles qui rassemblent beaucoup d’adhérents et qui fonctionnent avec des petites équipes, où nous avons besoin de lien, d’agilité aussi. J’ai acquis en 25 ans une culture data forte, une expertise de la transformation et de la digitalisation, mais aussi l’art de la représentation et de la négociation. Ce parcours m’oblige à réfléchir, à anticiper, à évoluer sans cesse, mais j’avais besoin de faire le pas de côté, de m’interroger sur la façon dont je fonctionne et dont fonctionnent les équipes. 

J’ai déjà suivi des programmes de formation classique, très opérationnelle mais à ce moment-là j’avais besoin d’autre chose, je cherchais un espace de recul, une bulle où réfléchir autrement, pour prendre de la hauteur.

Dès la première séance du parcours FACI, j’ai compris que j’avais fait le bon choix. Pendant trois heures, Marc Grassin nous a plongés dans la philosophie, pour reparcourir l’histoire du savoir et du management et le déconstruire. Ces séances étaient très riches et très exigeantes, ça a été une respiration, une parenthèse qui permet de sortir du quotidien et revenir à son métier avec un regard neuf.

Les thèmes abordés étaient passionnants (la vulnérabilité, l’éthique, la décision, la responsabilité) et indispensables pour nourrir cette réflexion et évoluer dans ses pratiques. 

 

Justement, comment reliez-vous ce que vous avez travaillé dans le parcours à votre métier dans les médias ?

 

Le lien est évident. La presse vit aujourd’hui une crise de confiance. L’information est omniprésente. La responsabilité des éditeurs de presse et des journalistes, est essentielle pour construire et maintenir un climat de confiance avec les lecteurs.

Sachant que la désinformation prend de plus en plus de place dans nos vies, qu’une fausse information circule 6 fois plus vite qu’une vraie sur les réseaux sociaux, que l’intelligence artificielle vient accentuer ce brouillage, demain, il sera encore plus difficile de distinguer le vrai du faux. Dans ce contexte, le rôle de la presse est d’autant plus crucial : vérifier, recouper, hiérarchiser, donner du sens, conserver sa ligne et son éthique, quoi qu’il en coûte.

Le parcours m’a appris à considérer le management sous ce même angle : ce n’est pas seulement une question d’efficacité, c’est une question d’éthique. Comment créer un collectif quand les acteurs ont des intérêts divergents ? Comment maintenir un narratif commun quand tout bouge autour de nous ? Comment prendre des décisions qui engagent, sans certitude absolue, mais en assumant leur dimension relationnelle, morale et évolutive ?

Ces questions, je les retrouve chaque jour à l’Alliance de la Presse. Fédérer 150 éditeurs qui n’ont pas la même taille, pas les mêmes priorités, pas la même vision de l’avenir : c’est un exercice d’équilibre. Cette formation m’a donné des clés pour l’aborder autrement, avec plus de lucidité et de recul.

 

Si vous deviez retenir un apprentissage fort du parcours FACI ?

Pour moi, ce serait la capacité à faire un pas de côté. À accepter de douter, non pas comme une faiblesse, mais comme une ressource. Dans nos métiers, on est souvent pris dans le rythme, dans l’urgence, et on cherche des certitudes. Mais les certitudes ont tendance à enfermer. Le doute est intéressant, il permet de s’ouvrir aux autres, d’entendre d’autres points de vue, de poser les questions autrement, de se réinventer.

Le parcours m’a aussi appris à réfléchir sur la notion de vulnérabilité. En tant que manager, on croit souvent qu’il faut toujours montrer de la performance, de la maîtrise. Or, reconnaître sa propre vulnérabilité, ses failles et ses erreurs c’est aussi créer un espace où les autres peuvent s’exprimer, partager leurs doutes, leurs fragilités. C’est ce qui permet de bâtir une relation de confiance et un collectif humain.

Enfin les échanges et les partages de pratiques entre nous sont très puissants et permettent de relier les apports théoriques à des réalités concrètes et de s’interroger sur les limites de certains concepts.

Aujourd’hui, recommanderiez-vous ce parcours à d’autres dirigeants ?

Oui, sans aucune hésitation. Je l’ai d’ailleurs déjà recommandé à plusieurs personnes. Parce que ce n’est pas une formation comme les autres. On en ressort transformé, pas seulement dans sa manière de travailler, mais aussi dans sa manière de penser, de regarder le monde qui nous entoure.
Ce que l’Institut Vaugirard Humanités et Management propose, c’est un véritable cheminement, à la croisée de la philosophie, de l’éthique et du management. On y apprend sur soi, sur les autres, sur nos organisations. Dans un monde aussi mouvementé et aussi incertain, que celui dans lequel nous vivons depuis plusieurs années, ce type de réflexion est précieux, voire essentiel.