La décision, selon Jean-Michel Heitz

Il se trouve que décider mobilise pour une part la raison mais aussi le sentiment, les émotions, l’intuition et également ce que l’on appelle l’autre scène : l’inconscient. Il faut ajouter l’imagination car décider c’est se donner la possibilité d’entrevoir un monde autre, de se projeter dans une dimension dont on n’a pas une connaissance exhaustive et de parier sur un avenir ouvert. Décider c’est aussi s’engager, prendre des risques parfois et laisser une part au hasard.

Cet engagement concerne l’existence individuelle comme la vie professionnelle au sein les organisations. Le choix d’« une des options considérées », comme l’indique la définition de Ricoeur placée en introduction, implique qu’il peut exister d’autres options tout aussi bonnes voire meilleures mais la connaissance totale au sens du savoir absolu hégélien est hors de notre portée. Il faut trancher, s’engager, en définitive décider. Si l’engagement mène parfois à des chemins hasardeux, l’expérience a montré que ce cheminement peut ne pas être aussi négatif qu’on le pense.

Michel Crozier et Erhard Friedberg (1992) montrent en donnant deux exemples comment des décisions, conduisant à des actions inadaptées, permettent parfois de découvrir des possibilités nouvelles : « Pour apprendre, il faut agir sans encore connaître donc prendre un risque… » (p. 317) et ils vont jusqu’à dire : « La plaisanterie, le jeu, la déraison, sont, de ce point de vue, des instruments irremplaçables de l’esprit humain ; ils ne servent pas seulement à détendre, ils servent à explorer d’autres comportements et d’autres buts. » (p.319).

Et pour finir dans une perspective philosophique ce que montre ce phénomène de la décision c’est une vision de l’homme, une certaine conception du « sujet » …,le sujet « jeté» dans un monde qui le précède et dans un dialogue qui a commencé avant lui et dont il a à interpréter les signes et les symboles. Pour cela il devra avec les autres s’insérer dans ce dialogue pour se déterminer, pour décider et pour agir et il le fera à l’aide de toutes ses facultés : la raison mais aussi l’imagination et les sentiments.


Heitz, Jean-Michel. « La décision : ses fondements et ses manifestations », RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, vol. 5, no. 1, 2013, pp. 106-117. 2013/1 (n°5), p. 106-117.

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